Vendredi 24 juin 2016, ce devait être un après-midi paisible et sans risque, veille de week-end au jardin. On avait préparé les sandwichs et rempli une pataugeoire pour que les enfants jouent à l’eau et se rafraichissent.
Le risque d’une inondation soudaine
Quand le ciel s’est assombri, par prévention d’une inondation, on a tout rangé, puis quelques gouttes de pluie, on se replie dans la maisonette de jardin, parties de Uno et goûter pour faire passer le temps et les peurs de la dernière qui n’aime pas l’orage… et justement, l’orage donnait salement !
Un peu d’eau qui ruisselle par le vieux cadre de la fenêtre… mon fils me dit «maman regarde toute l’eau par terre ! » j’ai d’abord pensé qu’une flaque s’était formée sous la fameuse fenêtre, avant de comprendre une seconde plus tard que ça arrivait sous la porte. Vite, tout déplacer, tout surélever, le matériel agricole, les appareils électriques, la bouffe des poules et du lapin… en vain, un coup d’oeil dehors, vision surréaliste : les caniveaux sont pleins de cailloux et donc la coulée de boue arrive droit sur notre jardin. Les sirènes des pompiers se font entendre, les voitures s’accumulent sur la route, bloquées devant la rue Fruhof… Alors, inondé pour inondé, on laisse tout en plan, on sort en tee-shirt et petite jupe avec la pelle sous les trombes d’eau, déblayer la boue et les cailloux qui sont descendus le long du cimetière pour s’accumuler sur les bouches d’évacuation. Après l’accalmie, trempé, on écope, pompe (content d’avoir une pompe…), on se dit qu’une cabane de jardin et 30 cm d’eau c’est rien, on pense aux sinistrés du neuf juin, Wasselonne, Romanswiller… qui ne sont pas encore remis des précédentes intempéries.
On appelle les amis pour proposer de l’aide, on se change, et avec le balai et la pelle on fait le tour du village pour aider. On rentre k-o et on découvre les photos de chacun sur les réseaux sociaux : le parc sous l’eau (ça amuserai beaucoup les enfants le toboggan dans ces circonstances ! ), les grêlons énormes sur le secteur de Saverne, et cette boue, partout. Cette terre que nous avons saturée de béton, de constructions, d’agriculture intensive. Cette terre qui se dérègle au rythme de la surconsommation des hommes . Il n’est plus temps de parler d’écologie, mais d urgence !
Et l’urgence s’est à nouveau manifesté, cette nuit là à 4 h du matin. Tant d’eau qu’elle s’est infiltrée chez nous par la fenêtre de toit, les poutres, qu’elle est à nouveau remontée par les égouts. Même chez ma mère qui n’habite pas en bas du village et nouvelle coulée de boue au jardin… alors après cette petite nuit, on remet les bottes encore trempées, on reprend les mêmes outils et on y retourne. Racler, rincer, gratter. Puis quand je termine chez mes proches et chez moi, je décide d’ôter toute ces cailloux et cette gadoue qui empêche l’eau de s’évacuer le long des trottoirs : la pluie est encore prévue ce samedi, autant prévenir. « Mais ce n’est pas à toi de faire ça ! » dirons certains, « Et les gars de la commune , ils ont qu’à le faire ! « . Quelle mentalité ! Les « gars de la commune « , on en fait plus qu’il n’en faut pendant ces 24h, et ne peuvent pas être partout. Ce n’est pas aux riverains lambda de le faire ? Et pourquoi pas ? La tenue, la pelle, tout y est, alors c’est parti et en vingt minutes c’est bouclé, après avoir essuyé quelques insultes et coups de klaxons (hé oui , ralentir sous 60km, inadmissible ! ).
Dans ce genre de situation, on voit le meilleur et le pire de chacun. Westhoffen ne fait pas exception au reste du monde et a son lot d’incivilités. Mais aussi beaucoup de gens au grand cœur, qui ne reculent pas devant la tâche, s’entraident.
Et ce sont ces personnes là qu’on retrouve dans ces situations, mais aussi à l’organisation des traditionnelles fêtes de village, qui répondent présents aux appels à bénévoles.
La nature nous rappelle que nous l’avons épuisé, et cela doit avoir encore plus d’impact dans une commune rurale, où la terre fait vivre tant de personnes, depuis tant d’années .
N’oublions pas que nos enfants et petits enfants passent après nous sur cette planète usée, polluée, saturée. Il est tant de revoir nos modes de vie afin de freiner les dégâts annonciateurs d’une fin pas si lointaine pour notre Terre qui nous a tant offert et tant permis.
Anna Kuhn
> A lire également : le récit de Estelle sur son blog
Vidéo ci-dessus : Lola Loew
Vidéos ci-dessous : Paul Anstotz
Vu par ICI est particulièrement fier d’avoir publié cet article 100% citoyen. Il est constitué d’un texte écrit par une habitante qui a su trouver les mots pour raconter cet épisode marquant, de photos et de vidéos provenant également de 3 autres habitants d’âge différents.
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Belle initiative Vu par Ici, et bien écrit madame, vous avez raison d’écrire, ça aide, le récit, à aller de l’avant, à traverser, à re-vivre les choses pour soi déjà, autrement que dans le traumatisme, la seule émotion, ça invente une pensée, une réflexion, ça introduit une distance entre soi et l’événement. Et puis pour les autres aussi, ceux qui lisent, ça offre un regard, pour savoir, pour comprendre: « ah, c’était comme ça pour vous? » et on se dit « tiens, moi aussi j’aurais pu…vivre ça, penser ça, réagir comme ça »…ou autrement d’ailleurs, peu importe, ça ouvre quelque chose, c’est l’essentiel…alors, bon courage pour réparer vos dégâts matériels, mais visiblement,pour le reste, c’est déjà bien parti…