L’entreprise Tupperware a annoncé la fermeture de son usine française (à Joué-les-Tours (en Indre et Loire), et par conséquent le licenciement de près de 235 salariés, employés pour certains depuis plus de 30 ans. Une partie du catalogue Tupperware est effectivement produit sur le sol français depuis de très nombreuses années.
Tupperware et ses conseillères dans nos villages
Vous vous demandez peut-être pourquoi Vu par ICI évoque cette triste nouvelle qui pourrait paraître bien loin de nos campagnes. Ce serait ignorer le fait que la société Tupperware repose son succès commercial sur un important réseau national de distribution à travers des conseillères (1) qui organisent des soirées de présentation et de vente au bénéfice de la marque Tupperware. Ce réseau est très développé dans nos petits villages et ces soirées sont appréciées des consommatrices de la marque. Outre l’occasion de découvrir des objets ménagers pratiques, ce sont aussi des moments conviviaux, porteurs de rencontres et d’échanges. C’est également toute une chaîne de rétribution qui permet à certaines de gagner un complément de revenus, modeste mais toujours appréciable.
Alors que la fermeture de l’usine est annoncée pour mars 2018, en quoi les conseillères Tupperware sont-elles concernées ? Dans leur pratique, aucunement. Elles vendront toujours les mêmes produits. Le seul souci, c’est qu’un des arguments de vente était, jusqu’à cette annonce, le Made In France. Nombreux sont ceux et celles qui sont réceptifs à cet aspect. En achetant des Tups’ ; on participait à l’emploi français. Demain, ce ne sera plus le cas.
Cela changera rien en termes de qualité, promet la marque américaine. Mais qu’adviendra-t-il des 235 personnes qui perdront leur emploi au printemps ?
Le problème qui se pose est de l’ordre de la conscience. Certaines conseillères diront que les choix de production de Tupperware ne les concernent pas, elles vendent un point c’est tout. D’autres auront une appréciation bien différente et mesureront la « valeur d’ajustement », une fois encore, de la classe ouvrière face aux intérêts du capital.
Si un grand nombre de conseillères se détournait de la marque Tupperware, elle risquerait de devenir persona non grata sur le territoire national au profit d’autres marques Made in France ? Les conseillères ne seraient d’ailleurs pas tenues pour autant de cesser leur activité VDI (Vendeur à Domicile Indépendant) car de nombreuses autres marques existent, dans des secteurs très variés.
Nos achats sont nos emplois ?
Le cas de conscience est identique pour les consommateurs : vont-ils continuer à acheter les produits de cette marque de la même manière en ayant appris cette vague de licenciements ? Et si demain, toutes les cuisinières françaises boycottaient la marque, qu’adviendrait-il des conseillères ? Elles aussi perdraient leurs revenus. Quel dilemme pour le consommateur que nous sommes.
Ce cercle vicieux mis en lumière par l’exemple de Tupperware, est aujourd’hui de plus en plus prégnant. Quel est la responsabilité des consommateurs dans le fonctionnement du monde capitaliste actuel ? En fermant les yeux sur ces licenciements à tout-va, nous rendons-nous complices ? En continuant à acheter Tupperware et à organiser des réunions, endossons-nous par la même occasion une part de responsabilité ? Et en arrêtant, ne risquons-nous pas de mettre encore plus de monde au chômage ?
Ce questionnement sans fin nous affecte tous les jours : vaut-il mieux aller acheter nos produits alimentaires dans le petit magasin du coin qu’au supermarché ? Mais si tous les habitants de tous les villages environnants font cela, quel sera l’impact sur les emplois des salariés desdits supermarchés ?
Finalement, la seule chose dont nous puissions aujourd’hui être pratiquement sûrs, c’est que les décisionnaires de l’entreprise Tupperware se sont certainement posés moins de questions. L’usine française n’est pas assez rentable ? Les dividendes versés aux actionnaires sont en baisse. Fermons cette usine. Fin du chapitre.
(1) le féminin est utilisé dans cet article car ces postes sont très majoritairement représenté par des femmes.
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