Le territoire Mossig – Porte du vignoble en Alsace recèle des légendes de sorcières, fantômes ou êtres magiques. En voici une petite compilation (page complétée de jour en jour).
Rencontrer les rois mages à Marlenheim
A Marlenheim, on peut faire deux types de rencontres : des magiques ou alors des tragiques, qui vous conduisent souvent à la mort. Rassurant. Commençons par les tragiques, puisque ce sont – malheureusement – les plus nombreuses. Sachez ainsi qu’il ne faut jamais suivre les moutons de Marlenheim, car ils vous entraineront vers la rivière, où vous vous noierez. Oui, c’est maléfique un mouton. Evitez aussi de passer à pied par le Kronthal quand l’angélus a sonné et que la nuit est tombée car, dans ses roches, vivent des animaux fantômes : des serpents qui chantent, un chien noir qui garde une grotte où serait caché un trésor, mais aussi un revenant noir et son loup fantôme qui piègent les malheureux avant de les tuer et de les dévorer. Si vous voyez dans les parages une personne à l’air abattu, assise la tête entre ses mains, ne vous arrêtez surtout pas pour demander ce qui ne va pas. C’est l’erreur qu’a commise un jour un jeune homme qui marchait vers Marmoutier. La personne éplorée a alors enlevé les mains de son visage, révélant un faciès…de squelette. C’était en effet la Mort. Le lendemain, on trouva le corps sans vie du pauvre jeune homme sur la route de Marlenheim. Heureusement, vous pouvez aussi faire une rencontre magique au Kronthal : celle des véritables rois mages. Une légende raconte qu’ils sont enterrés dans la crypte de la cathédrale de Cologne. A chaque Epiphanie, ils sortent de leur tombeau, remontent le cours du Rhin jusqu’à Strasbourg, et gagnent le Kronthal. De là, ils partent pour le Champ du Feu, qu’ils purifient de tous les maléfices des sorcières et des esprits invisibles.
Les rencontres de l’au-delà de Wasselonne
Il n’y a pas qu’à Marlenheim qu’on fait de drôles de rencontres, une fois le soleil couché. A Wasselonne aussi. Mais cette dernière commune a le privilège de voir passer des personnages illustres… morts. Ainsi, Charles de Bourgogne, dit le Téméraire, tué à Nancy en 1477, erra en tant qu’esprit dans les rues wasselonnaises. Il croisa un homme à cheval, qu’il interpella : « Seigneur cavalier ! Pouvez-vous m’indiquer un cimetière où reposer mes ossements ? » L’homme, surpris, éclata de rire, et lui proposa plutôt un bon repas et une bonne bouteille. Mais une fois chez lui, l’homme fut saisit d’effroi quand Charles le Téméraire enleva son manteau : il ne voyait devant lui qu’un squelette.
Une autre légende wasselonnaise a trait à Napoléon Bonaparte. La ville fut en effet la première à apprendre le décès de l’empereur. Dans la nuit du 5 au 6 mai 1821, le veilleur parcourait les rues. Il était deux heures du matin. Alors qu’il passait près de l’église protestante, il vit un homme assis sur le portail. Il s’approcha, et reconnut son prédécesseur, un ancien grenadier de Napoléon, décoré de la Légion d’honneur… et mort depuis quelques années. Le fantôme lui dit : « N’aie pas peur ! Je viens t’annoncer que notre grand empereur est mort cette nuit. Tu peux l’annoncer aux habitants ! » Et il disparut. Alors le veilleur continua sa ronde, hurlant dans toute la ville : « Napoléon est mort ! »
Le monastère maudit de Westhoffen
A Westoffen, il peut arriver qu’on entende le chant du coq alors qu’on se promène sur le Rohracher, un terrain stérile et humide au milieu des prés. Inutile de chercher l’animal : il se trouve six pieds sous terre. On raconte qu’autrefois, à cet endroit, se dressait un couvent où les moines menaient une vie indigne. Un vendredi, ils firent l’affront d’acheter de la viande, alors que dans la religion chrétienne seul le poisson est permis ce jour là. Aussitôt, le couvent fut englouti par la terre et on n’entendit alors plus que la voix du coq monter des profondeurs de la terre…
Le fantôme du lavoir de Dangolsheim
A Dangolsheim, il existe au lavoir un fantôme prenant la forme d’un soldat romain. Et personne ne souhaite plus jamais le revoir. Un soir de 1914, alors que les habitants du village étaient réunis autour du lavoir pour discuter, ils entendirent du bruit dans le tunnel du lavoir. Celui-ci, disait-on, était un ancien souterrain romain, et personne ne savait où il menait. Une silhouette y apparut. C’était un soldat romain. Il traversa les barreaux qui barraient l’entrée du souterrain comme s’ils avaient été en coton, et s’immobilisa face aux villageois. Il leva le bras et salua en silence. Une larme coula de ses yeux. Puis, il fit demi-tour et disparut. Quelques semaines plus tard, la France entra en guerre. Alors les témoignages affluèrent, et on se souvint de ce fantôme romain qu’on avait aussi vu en 1870. Presque 30 ans plus tard, le fantôme revint. Il salua à nouveau silencieusement les Dangolsheimois, versa une larme et repartit. C’était en 1939 et depuis le mythe perdure…
La nageuse des airs de la Mossig
Il n’y a pas que les villages qui ont leur légende en Alsace : la rivière la Mossig en possède aussi. Le récit raconte ainsi qu’il y a fort longtemps, un jeune homme appelé Rémi, qui habitait un vieux château près du Scharrach, était follement amoureux d’une belle Wasselonnaise. Une nuit, il monta sur son cheval blanc et partit la rejoindre. Mais son rival l’attendait pour lui tendre un piège. Il tua Rémi, lesta son corps de pierres et le jeta dans la Mossig. Depuis, chaque nuit, le cheval blanc revient hennir sur les lieux du crime, là où le cadavre de son maître n’a jamais été retrouvé. On dit aussi que le promeneur solitaire, s’il n’entend pas les pleurs du pauvre cheval blanc de Rémi, peut entendre une longue plainte venant de la rivière, comme un chant. Il vient d’une jeune femme, vêtue de longs voiles blancs, qui nage en l’air, quelques mètres au-dessus de la rivière.
La fondation d’Irmstett et d’une « Nouvelle-Troie »
à Kirchheim par le roi Dagobert et sa fille
A Kirchheim, on célèbre tous les deux ans le roi Dagobert. Le souverain est à l’origine de plusieurs légendes dans les environs. Ainsi, Dagobert aurait construit à Kirchheim un palais qu’il nomma « la Nouvelle Troie », en référence à la mythique Troie. Il voulait ce palais solide et impressionnant. La fille de Dagobert, Irmina, a aussi sa propre légende. La jeune fille était très pieuse et allait souvent prier dans une grande forêt de chênes, où elle fit ériger une petite chapelle. On nomma ce lieu « Irminastätte », autour duquel grandit un petit village appelé d’abord « Irmina Stätte » et plus tard… Irmstett. Voici donc l’histoire qui serait à l’origine du nom de ce petit village alsacien.
La malédiction du château de Scharrachbergheim
Hériter d’un château fait toujours plaisir. Mais hériter de celui de Scharrachbergheim peut devenir une véritable malédiction. C’est ce qu’a appris à ses dépens un jeune seigneur de la famille des Deux-Ponts. Arrivé de nuit dans sa nouvelle demeure, il demanda aussitôt à ses nouveaux domestiques de lui servir un copieux repas. Les majordomes, pas commodes, hochèrent la tête sans dire un mot et disparurent en cuisine. Alors qu’il s’installait à la grande table, où, mystérieusement, six couverts étaient dressés, le jardinier vint le prévenir : « Ne restez pas là, mon seigneur, ne restez pas là ! Allez plutôt manger dans votre chambre ! » Mais le seigneur ne voulut rien savoir et resta à table, et ce malgré les nombreux avertissements du jardinier. Les majordomes arrivèrent, et, toujours en gardant le silence, lui servirent le potage. Quand le seigneur eut fini, il réclama la suite, mais personne ne bougea. Et là, rentrèrent dans la pièce quatre enfants, puis une femme au visage pâle. Enfin, un homme habillé comme un seigneur d’autrefois, avec sa garde. Ils s’assirent à table, et les majordomes leur servirent du potage, sous le regard interloqué du jeune seigneur de la famille des Deux-Ponts. Après quelques lampées, les enfants se mirent à se tordre de douleur. La femme cria. Alors, le seigneur d’un autre temps ordonna qu’on l’attache à sa chaise, pour qu’elle regarde ses enfants mourir puis tua un de ses officiers, qui était en fait l’amant de sa femme, amant qui lui avait donné ses quatre enfants. Et, tandis que la femme hurlait en voyant les cadavres de ses enfants et de son amant, l’homme se tourna vers le jeune seigneur et lui dit : « Maintenant, monsieur, dînons tranquillement. Je fais justice ici chaque nuit. Cette femme m’a trompé avec un rustre durant mes voyages ; elle mérite un châtiment exemplaire. » Et, durant toute la nuit, le seigneur d’un autre temps se goinfra, sa femme cria, et le jeune seigneur les regarda, épouvanté. Au chant du coq, cadavres, femme et seigneur d’un autre temps disparurent. Le jeune seigneur prit les jambes à son cou, abandonnant le château et le laissant tomber en ruines.
Le carrosse d’or de Wangen
Wangen est un endroit magique, voire maléfique pour certains. Sa colline, le Wangenberg, est connue pour être un repère de sorcières. D’ailleurs tout le monde connait ces deux chats blancs, assis face à face sur le mur du jardin du Freihof, dont les yeux brillent surnaturellement dans la nuit. Il y a aussi le fantôme du village, appelé « Dorfhammel » (mouton du village) mais qui a la forme d’un gros animal indéterminé aux longues oreilles tombantes. On le surprend souvent accroupi dans une ruelle étroite, entre des murs de jardin. Et aussi cette source magique dans la cave d’un habitant, qui prédit la qualité des vendanges à venir… Mais à Wangen se cache aussi un grand trésor. Il y eut autrefois au village un seigneur tellement riche qu’il ne savait plus que faire de son argent. Il décida alors de se faire construire un carrosse d’or, avec lequel il se promenait longuement dans la campagne. Quand les Armagnacs vinrent attaquer la ville, le roi, paniqué à l’idée de se faire prendre son carrosse, le fit murer dans la cave de son château par un maçon, qu’il égorgea ensuite de ses propres mains. Quand les Armagnacs arrivèrent, ils fouillèrent partout, mais ne trouvèrent rien. Alors ce furent les villageois qui démontèrent pierre par pierre le château. Mais le carrosse resta introuvable, et on raconte qu’aujourd’hui encore, à Wangen, il attend patiemment que quelqu’un le retrouve.
L’homme de feu de Balbronn
A Balbronn, les jeux de gages peuvent vite devenir dangereux quand on ose invoquer un être surnaturel. Une nuit, alors que des garçons et des filles jouent ensemble, l’une des participantes reçoit le gage d’embrasser l’homme de feu. Sans crainte, elle se penche par la fenêtre, et, d’une voix forte, dans la nuit noire, s’exclame : « Homme de feu, viens m’embrasser ! » Aussitôt, les enfants entendent de lourds pas sur les marches de la maison. Quelqu’un frappe violemment à la porte. Surpris et terrorisés, ils n’ouvrent pas tout de suite. Quand ils le font, il n’y a plus personne sur le palier. Mais ils voient sur la porte de grandes traces noires, ressemblant à des empreintes de main calcinées… Dans certaines versions de cette légende, l’homme de feu revient un an après quérir son baiser. Il embrasse la jeune fille, lui brûlant toute la joue et la tuant.
Sources : Günter Lipowsky et Daniel Morgan, Les Légendes d’Alsace d’après Auguste Stoeber, J. Do. Bentzinger, 2009 ; Roger Maudhuy, Contes et légendes d’Alsace, Editions Place Stanislas, 2009 ; Claude Odilé, Petites légendes d’Alsace, W. Fischer, 1949 ; Jean Variot, Légendes et traditions orales d’Alsace, Basse-Alsace, Ed. G. Crès, 1919-1920 ; Christophe Méchin, Légendes effrayantes d’Alsace, Thebookedition.com
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