Lorsque le dimanche matin, notre joyeux peloton prend la route du Kochersberg, tout en moulinant, je laisse parfois mon esprit partir vers « tout là-haut ».
Ces moments qui font réfléchir.
Vous avez peut-être, vous aussi, vécu ces moments qui font réfléchir. Les villages se suivent et nous entendons carillonner les cloches à la volée. Et nous nous pédalons. Clochers pointus, clochers trapus, petits ou grands clochetons, nous voyons les fidèles, les croyants plus ou moins croyants, les pratiquants plus ou moins pratiquants endimanchés se hâter pour participer à l’office du dimanche matin. Alors que nous, nous continuons notre pédalage. Par le portail entrouvert nous entendons quelques bribes religieusement musicales. Notre équipée pédalante s’étire allègrement. La communauté des croyants écoute la bonne parole.
Notre randonnée se poursuit, les villages se succèdent. Les fidèles prient, chantent et louent le Très Haut. Les kilomètres défilent. L’office terminé, quelques villages plus tard, nous voyons les groupes de fidèles papoter sur le parvis de l’édifice cultuel. Le peloton s’étire sur la place du village en ralentissant à peine. Les femmes se pressent pour rentrer car leur devoir de cuisinière les appelle. Les cyclistes tournent les manivelles. Les hommes à la sortie de l’église traînent : « Viens on va prendre l’apéro au Coq ! ». Quelle belle tradition que cet apéro du septième jour ! Les membres de notre Cyclo-Club en sont encore à l’eau fade de leur bidon et continuent leur bonhomme de chemin. Ne voila t’y pas qu’ils voient des villages à deux églises. Les croyants d’ici sont-ils si nombreux ? Certes pas; il s’agit simplement de cette particularité alsacienne. En certaines régions catholicisme et protestantisme se côtoient. En voyant toute cette ferveur chrétienne, je me demande si nous sommes bien à notre place ce dimanche matin dans ce peloton de pédalants non-pratiquants ?
Nous voilà dans la vallée de la Zinsel au milieu de cette belle forêt vosgienne, près des rochers de grés, entouré de toutes ces splendeurs printanières. L’alouette pousse ses trilles tout là-haut dans le ciel. Un geai traverse comme une flèche devant nos roues. Le héron d’un pas de sénateur longe la Zinsel à l’affut d’un petit gardon. Nous sommes au cœur de cette belle nature. Tous les sens en éveil nous dégustons les parfums des fleurs et l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. Nous nous saoulons du gazouillis amoureux des oiseaux et nous gravons sur notre numérique cérébral des milliers d’images magnifiques. Et si l’église des cyclistes était là ? Il y a à peine quelques semaines nos VTT crissaient sur la neige du Geisweg, du Kuhberg ou près du Schneeberg. Dans quelques semaines nous roulerons sous un soleil de plomb à l’ombre des belles futaies dans le col des Pandours ou dans celui du Valsberg. Et quelques semaines après, nous nous charmerons des couleurs automnales. J’en suis sûr maintenant : c’est là qu’elle est la cathédrale des pédaleurs devant l’Eternel.
Le Rocher du Dabo
Quelle est cette force surnaturelle qui gère ce magnifique enchaînement des saisons ? Certains l’appellent Dieu, Zeus ou Jupiter. D’autres pensent plutôt au Grand Manitou, à Allah ou à Bouddha. D’autres encore qu’il s’agit seulement d’une succession de phénomènes physiques, chimiques, météorologiques ou …… iques dont la science finira bien par expliquer un jour tous les mystères.
Je pense mais je peux me tromper que tous ces Dieux quels qu’ils soient ne sont pas que dans leurs églises ou chapelles. Ils sont aussi dans cette belle nature tout autour de nous. Ils sont aussi et surtout dans nos corps qui grâce à leur parfait fonctionnement nous emportent sur des centaines de km. Ils sont aussi et à notre grand bonheur dans cette amitié qui anime notre peloton, dans cette convivialité que nous cultivons à longueur d’année. Ils sont tout simplement partout. Alors ayons de temps en temps une pensée reconnaissante pour ces tout-puissants en espérant qu’ils ne nous oublieront pas.
Du vécu que du vécu
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Quel bel article. Avec des bribes de vérité : la cathédrale de la création, c’est vrai qu’on la traverse à pieds, à vélo, ou à moto. Il n’est pas dit dans le texte qu’on en prenne conscience.
Il se trouve que tous les dimanches matin, parce que je me déplace dans les églises de notre communauté de paroisses, (celle qui entretient ces clochers dont les carillons désespérés vous font rêver un peu), je vous croise ou vous dépasse, vous les cyclistes, (avec quelques difficultés parfois, car vous faites communauté aussi, en travers de la route) pour retrouver dans ces bâtiments obsolètes, désuets, quelques autres obsolètes, désuets comme moi. Et là je m’assieds, je me déshabille de ma vie, je me décortique, j’entre en moi, en mes profondeurs, je me tourne vers les autres unités humaines qui m’entourent parfois de bien loin en ces lieux majestueux restaurés à grand frais et que plus personne ne voit.
Et je suis assis là dans cette tranquilité d’Amour. Je me laisse imprégner, posséder par Elle. En Paix.
A côté de moi, ma douce moitié. Et en plein milieu, on nous demande d’échanger ce baiser de paix qu’il n’a pas été facile d’accepter, et qui maintenant, à lui seul, justifierait le rassemblement. Je me laisse aimer, même si les textes porteurs me réveillent sans cesse et font naître les meilleurs plans de vie, dont je ne réaliserai jamais le 10ème …!
Il m’arrive de penser à vous, les pédaleurs, dans ces moments là, en vous noyant dans la marée de tous les absents dont on nous demande de prendre soin d’âme. Pardonne-moi, Dieu, car je les pleins parfois avec condescendance. Qui suis-je pour juger ?
Mais s’arrêteront-ils, un instant, pour Eux, pour Toi ?