Le bac n’est pas qu’un diplôme, c’est surtout la possibilité de faire partie de quelque chose de plus grand, plus fort, plus rapide. Fini la campagne, son rythme piano et l’ennui qui s’en suit ; bonjour la ville, son tempo allegro et tous ses citoyens semblables à autant de musiciens sans chef.
Partir c’est revenir
C’est avec bonheur mêlé d’appréhension qu’à la fin de ma 17e année, j’ai quitté le domicile familial pour rejoindre cette cacophonie. Sans hésitation, j’ai joint la partition de ma vie à l’orchestre immense qui compose Strasbourg. Pour autant, je n’ai jamais vraiment abandonné mon petit village.
Profitant des vacances universitaires pour quitter ma grande Strasbourg, je redécouvre avec nostalgie l’étroitesse du lit, une place que j’avais abandonnée, il y a quelques années de ça chez mes parents. Bien enfoncé dans mon ancien matelas, j’écoute. J’écoute une chose que je n’avais pas eu l’occasion d’entendre depuis de nombreuses années. Une chose que le citadin que je suis devenu avait oubliée : le silence.
Au village, retour au calme
Loin de l’agitation intense de la ville, que j’ai fini à tort par considérer comme un rythme normal, je redécouvre les biens-faits du calme qui règne sur ma campagne. J’avoue que c’est une sensation étrange, au début, de ne pas être bercé pour m’endormir, par les voitures ou les soûlards comme autant de cuivre d’un orchestre symphonique. De pouvoir ouvrir ma fenêtre pour écouter le bruissement du vent dans les arbres. Je m’emmitoufle bien profondément sous mes vieilles couvertures pour accueillir ce non-bruit qu’est le silence. Dès 20 h, il s’invite et restera présent jusqu’à 6 h. À l’heure à laquelle j’écris, c’est tout un village dont les habitants rivalisent de calme et de quiétude, la nuit étant leurs mesures.
Musique. Art du silence avait écrit Jean Éthier-Blais dans « Le manteau de Rubén Dario ». Si la vie est une longue partition, la campagne est une ronde silencieuse, une pause de 4 temps. Un moment de flottement, de calme et de légèreté nécessaire pour apprécier la rudesse mondaine. Le caractère allegro de ma ville. La force d’une musique tient dans la justesse de ses silences, son rythme vient de leur régularité. La campagne, c’est ça pour moi. Plus qu’un soupir, c’est une pause le temps de quatre temps, d’une mesure, pour prendre du recul sur la vie de la ville et ses gens, qui vont trop vite. Prendre le temps d’aller piano et profiter de la justesse de sa propre partition.
Texte : Jérémy Urban
Photographies du bandeau haut et vignette : Stéphanie Tétu
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